L’union européenne et le fédéralisme
Bien que de statut sui generis (spécifique), l’union européenne est fédérale. Elle s’apparente à une confédération. Chaque Etat conserve sa souveraineté mais met en commun le reste de ses compétences à l’inverse d’une fédération comme aux Etats-Unis où c’est l’inverse. La confédération étant perçu également comme la première étape avant la mise en place d’une fédération définitive.
A la sortie de la 2e guerre mondiale en mai 1945, l’Allemagne est détruite et occupée. Ses villes sont en ruine. Face à ce constat amer que beaucoup d’allemands imputent au nationalisme, la décision est prise de passer d’un modèle unitaire et central à un modèle fédéral. C’est ainsi qu’en 1949, une nouvelle constitution est définie donnant naissance à la république fédérale d’Allemagne, dont le premier chancelier élu à sa tête sera Konrad Adenauer.
Ce dernier avec Robert Schumann (homme d’état français) et Alcide Gasperi (homme d’état italien), désireux de supprimer les querelles nationales, poseront dans les années 1950 les fondements d’une Europe unie, dépassant l’opposition séculaire de certains peuples, pour devenir 50 ans plus tard, l’Union Européenne que l’on connaît aujourd’hui.
Néanmoins, le général De Gaulle, à la tête de la France dans les années 60, n’entend pas entrer dans la logique fédérale et supranationale portée par les allemands et soutenue par les britanniques et les américains. De Gaulle plaidant en faveur d’une “Europe des nations”, d’une Europe confédérale1. Il refuse en effet d’envisager une organisation politique qui impliquerait un quelconque abandon de la souveraineté française. La fin des années 60 voit le blocage des propositions d’intégration européenne par De Gaulle. A ce moment là, il apparut clair que la relance européenne devait passer par un changement à la tête du gouvernement français. L’arrivée de Pompidou permit cela avec notamment le premier élargissement et l’entrée du Royaume-Uni, du Danemark et de l’Irlande au sein de la CEE (ancêtre de l’UE). Néanmoins, Pompidou comme son prédécesseur continue de résister aux impulsions fédéralistes et supranationalistes de l’Allemagne et du Benelux.
Cette résistance demeure toujours aujourd’hui côté français. En 2012, alors que Guy Verhofstadt (ministre d’Etat belge) affirmait que les chefs d’Etats européens seraient “obligés” de créer un Etat fédéral européen rapidement prenant exemple des Etats-Unis, le président français François Hollande à la même période affirmait sur Europe 1, bien conscient, que la France serait contrainte de suivre ses voisins allemands vers le fédéralisme européen.
Il suffit en effet de s’intéresser, selon certains, à la politique européenne pour se rendre compte qu’une seule solution est possible, l’évolution, quelle qu’elle soit. Car en effet, en se penchant sur l’état de l’Union aujourd’hui, le constat est là : l’Europe est dans une impasse2. Or, bien que certains Etats européens réfrènent à l’idée d’une Europe fédérale, ils en adoptent néanmoins les bases en mettant en place certains outils de type fédéral comme une monnaie commune avec l’euro, une agence européenne de police criminelle avec Europol, une cour de justice de l’union européenne et même en 2004 une agence européenne de défense, faisant ainsi du projet européen un système hybride à mi-chemin entre confédération et fédération.
Toutefois cette ambiguïté fait de l’union européenne, une construction inachevée et fragile. L’exemple du « brexit » parlant de lui-même.
Un rapport conjoint de Sciences Po Cevipof, l’Institut Jacques Delors et Kantar, a montré que les Français étaient devenus le peuple le plus eurosceptique d’Europe, juste après les Grecs et à peine devant les Britanniques3. Quant aux Italiens, qui ont pendant longtemps été parmi les peuples les plus en faveur de la construction européenne, ils sont aujourd’hui au même niveau de défiance que les Grecs et les Français. In fine, l’ambiguïté n’aura donné que des fruits amers.
Pourtant 58% des français, en 2021, pensaient qu’avancer vers une Europe fédérale, comme proposé par le gouvernement allemand, était une bonne chose4. Les citoyen(ne)s étant en avance sur la plupart de leurs représentants.
La construction européenne est bloquée au milieu du gué, l’endroit le plus dangereux de la rivière, là où le courant est le plus fort et où il est facile de perdre pied. La vieille méthode des petits pas ne fonctionne plus. Il faut faire mouvement et vite, car le monde n’attend pas. Les Européens doivent soit reculer vers la berge nationaliste, soit avancer vers la berge fédéraliste. L’Union européenne est à la croisée des chemins, au moment de vérité où il faut choisir une voie et renoncer à une autre. L’Union peut renaître. Mais elle peut aussi disparaître, dans les mois et les années qui viennent.
A ce jour, sur les 27 pays européens, 10 se prononcent pour une évolution de l’union européenne plaidant en faveur des “Etats-Unis d’Europe” que sont : l’Allemagne, l’Autriche, la belgique, le Danemark, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal et l’espagne5. Ils se sont baptisés le “groupe du futur”. Ce groupe, représentant plus de la moitié de la population européenne, souhaitent la nomination d’un président européen au suffrage universel. Les compétences régaliennes comme la gestion des frontières, le budget et la défense serait dévolue à la fédération. Les pays européens seraient des entités fédérées dans un super Etat fédéral européen.
Il est malheureux de constater que la France ne fait pas partie de ce groupe, restant figée dans un passé lointain. Elle demeure le seul pays parmi les membres fondateurs de l’UE à ne pas avoir évolué sur la question, jugée pour certains comme étant l’élément bloquant, la France constitue ainsi le verrou de l’Europe vers sa transformation, alors que le fédéralisme permettrait au contraire de tout débloquer sans attenter à l’individualité étatique.