Le fédéralisme : une solution prônée en Nouvelle-Calédonie comme en France depuis 1977

Le fédéralisme : une solution prônée en Nouvelle-Calédonie comme en France depuis 1977
24 février 2024

Le fédéralisme : une solution prônée en Nouvelle-Calédonie comme en France depuis 1977

La notion de fédéralisme a déjà été proposée plusieurs fois comme solution consensuelle à la problématique institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie tant par des acteurs politiques locaux que par des acteurs métropolitains.

En 1977, Jacques Lafleur, leader autonomiste calédonien, décide de créer le RPC (Rassemblement Pour la Calédonie) en réponse à la création du mouvement indépendantiste du FLNKS, la même année.

Lors de son discours d’investiture à la tête de son parti, le leader du future RPCR y précisait “ Nous constituons […] une véritable petite nation au sein de la nation française1 posant déjà les bases d’une vision plus avancée de l’autonomie, qu’est le fédéralisme.

En janvier 1985, face au projet « d’indépendance-association » proposé par le haut-commissaire de l’époque, Edgar Pisani, le RPCR réplique par la voie d’un de ces membres, Dick Ukeiwé, kanak originaire de Lifou, alors sénateur et président du gouvernement ainsi que de l’assemblée territoriale, par un statut de type fédéral, lors d’un discours au Sénat. (cf.i1984_1985_0224.pdf (senat.fr))

En avril 1985, le président français, François Mitterrand, face au scepticisme et au possible rejet du projet Pisani par la population calédonienne, indiquera lui-même lors d’un conseil des ministres extraordinaire que si le plan (Pisani) n’était pas bien reçu, il ne faudra pas le mettre au vote. […] Alors on poussera à la fédération sans partition (cf. TOURNEBIEN Luc, 2023, Kanaky Nouvelle-Calédonie, 40 ans d’émancipation … pour mieux recoloniser, 271p – cf.p44).

Durant la même année, un autre Kanak, Gabriel Païta, originaire de la commune du même nom, fonde en mai 1985, le PFK ou Parti Fédéral Kanak auquel s’associe le maire de la commune de Bourail Jean-Pierre Aïfa, du parti centriste FNSC (Fédération pour une Nouvelle Société Calédonienne), pour former le parti OPAO, en vue des élections régionales calédoniennes de 1985. Avec un résultat de  2 317 voix sur 89 906 inscrits, soit 3.24% des suffrages, le parti fédéral OPAO n’obtiendra aucun siège. La cause étant peut-être que les porteurs de ce projet souhaitaient la mise en place d’une république fédérale certes associée à la France mais indépendante.  A l’issu du scrutin, Jean-Pierre Aïfa déclarait le soir même sur la station de radio RFO : « Il arrive un moment où les partis modérés sont laminés et ne sont plus écoutés. Vous avez la radicalisation à gauche et à droite et les centres ne sont plus écoutés » (cf. Jean-Pierre Aïfa — Wikipédia (wikipedia.org) ).

En 1987, le FLNKS déposa une Constitution à l’ONU afin d’inscrire la Kanaky (Nouvelle-Calédonie) sur la liste des pays à décoloniser. L’avant-projet de cette Constitution inspirée de Maurice Lenormand, pour lequel le fédéralisme était une thème fort, visait au départ à la création d’un Etat fédéral. Le projet définitif présenté, conseillé par un professeur de droit public métropolitain de l’université de Montpellier 1, s’orienta plutôt vers la construction d’un Etat unitaire où se pratiquerait une décentralisation administrative (cf. RAPPORT-FINALANNEXES.pdf (gip-recherche-justice.fr)).

En 1988, le choc d’Ouvéa (Gossanah) aboutie aux accords de paix de Matignon-Oudinot, mettant fin à la période dite des « Evènements ». Ces accords, sous l’égide de Michel Rocard, poseront les bases d’une nouvelle organisation de la Nouvelle-Calédonie en interne et dans sa relation avec la France, en instaurant une administration et un développement du territoire fédéral comme le stipule les textes (cf.  Microsoft Word – Accords de Matignon.doc (mncparis.fr)). Ceux-ci seront confortés et complétés 10 ans plus tard avec les accords de Nouméa, en 1998, sous la présidence de Jacques Chirac.

En 2003, Le FLNKS fait la promotion lors du 15e sommet du Groupe du Fer de lance mélanésien à Gizo, capitale de la province occidentale des Iles Salomon, du projet de création à l’issu de l’Accord de Nouméa, des Etats Fédérés de la Mélanésie (EFM), à l’instar dans la région des Etats Fédérés de Micronésie, comme le révèle Jacques Lalié, président de la province des Iles Loyautés de Nouvelle-Calédonie dans l’ouvrage paru en 2020 : Les fédéralismes, sous la direction de Jean-Yves et Florence Faberon. On y apprend que plusieurs chantiers ont été lancés sur la base des traités internationaux de références en vue par exemple de la création d’une Académie de Police Régionale en 2011, d’une Banque Centrale Mélanésienne en 2013 ou encore d’un Parlement mélanésien en 2015. Le président Lalié rappelant que l’idée première du fédéralisme en Nouvelle-Calédonie devant se faire normalement en premier lieu avec l’Etat français.

En 2006, Pierre Bretegnier, bras droit de Jacques Lafleur au sein du Rassemblement-UMP (ex-RPCR), relance l’idée, en plaidant pour un État fédéral où « on s’associe avant le terme du processus d’indépendance, et où des compétences fédérales demeurent. C’est ce à quoi on aboutirait avant les derniers transferts de compétences dans notre statut actuel, mais avec ce quelque chose en plus qui s’appellerait “État”. C’est un pas vers les indépendantistes et en même temps une manière de conforter notre ancrage dans la France »2.

En 2008, Philippe Gomes, ancien membre du rassemblement-UMP ayant fondé l’Avenir Ensemble puis ensuite le parti Calédonie Ensemble, reprend l’idée d’une “petite nation dans la grande” et la propose aux indépendantistes. L’idée ne semble pas offusquer Paul Néaoutyne, président la province Nord et fondateur de l’UNI (Union Nationale pour l’Indépendance)3. Néanmoins, face à des critiques4 d’entente avec les indépendantistes, Mr Gomes revoit son discours, estimant dans un premier temps qu’une nation n’est pas obligatoirement un Etat, pour finir depuis 2013 à ne proposer simplement qu’une calédonisation des compétences régaliennes, c’est à dire permettre d’embaucher plus de calédoniens au sein des administrations dirigés par l’Etat5.

Toujours en 2008, Jean-Yves Faberon, professeur à l’Institut du droit de l’Outre-Mer, fait une proposition conciliante au Sénat concernant la Nouvelle-Calédonie en proposant : le fédéralisme. Il s’agirait pour lui, de faire du territoire un Etat à part entière mais fédéré à la France, laquelle conserverait uniquement les compétences régaliennes. Ce serait dit-il une garantie contre les intolérances internes et la garantie d’un arbitrage impartial externe6.

En 2013, Gael Yanno, ancien vice-président et porte parole du Rassemblement-UMP, propose également via son nouveau parti, le MPC, sa solution sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie au sortir de l’Accord de Nouméa, à savoir la création d’une collectivité de la République de type fédérée7, basée sur les principes suivants8 :

– Pas de nouveaux transferts de compétences, et en aucun cas les compétences régaliennes

– Maintien d’un gouvernement calédonien

– Maintien des provinces, qui sont l’outil du partage du pouvoir

– Renforcement des compétences des provinces (ex : dispositions du droit du travail, défiscalisation…)

– Le gouvernement calédonien récupère des compétences d’intérêt territorial (tourisme, environnement…)

– etc.

En 2017, Jean-Jacques Urvoas, ancien garde des sceaux, évoque la solution de l’Etat fédéré9 qui permettrait selon lui de satisfaire les revendications des 2 parties : un Etat pour les indépendantistes, le maintien dans la France pour les non indépendantistes. Ce statut nécessiterait une révision constitutionnelle pour créer « un lien de nature fédéral entre la République et un seul de ses territoires », instituant, note M. Urvoas, « un fédéralisme asymétrique d’une rare originalité sans équivalent dans le reste du monde ! »

En 2024, Didier Leroux, chef d’entreprises, ancien membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et président de plusieurs partis politiques locales non indépendantistes depuis 1995, déclare lors d’un entretien à la chaîne Corail web tv, être partisan d’un Etat fédéré comme Hawaï pour les Etats-Unis ou le Queensland en Australie (cf. Entretien avec Didier Leroux (youtube.com))

 

2 Les Nouvelles calédoniennes, 21 novembre 2006.