
Une autre voie vers la décolonisation : l’affranchissement ? (suite)
Bonjour à tous,
L’association APROFED est de retour parmi vous ce week-end dans le cadre du mois de commémoration de l’esclavage, de la traite négrière et de son abolition en France métropolitaine et dans les DOM-TOM.
A cet égard, l’association revient sur l’exemple de l’île d’Haïti , à propos de laquelle nous avions déjà écrit un article en novembre 2024 (cf. Une autre voie vers la décolonisation : l’affranchissement ? – APROFED ) afin de continuer à explorer une autre voie de la décolonisation pour la Nouvelle-Calédonie, celle de l’affranchissement.
Nous vous invitons à visionner un excellent documentaire sur Haïti diffusé cette semaine sur France 2 au lien suivant : Haïti, la rançon de l’indépendance – YouTube
Bien qu’elle puisse être considérée comme d’une autre époque, la solution de l’affranchissement correspond néanmoins à la période coloniale, lorsque les États vendaient ou achetaient des territoires entre eux, à la période de l’esclavage, lorsque les êtres humains étaient achetés et vendus, comme des meubles. A ce titre, il convient de souligner que le « Code noir », établi en 1685, qui encadrait la pratique de l’esclavage dans les colonies françaises n’a toujours pas été aboli à ce jour en France (cf. François Bayrou annonce une loi pour abroger prochainement le Code noir).
Pour rappel, la colonisation n’est rien d’autre que de l’esclavage à domicile, où des individus sur un territoire sont dépossédés de leurs terres et en partie anéantis afin de permettre aux conquérants (pilleurs) de s’emparer des richesses émanant de ce territoire. Certaines décolonisations ont été rendues possibles suite au départ du pilleur après avoir constaté qu’il n’y avait pas ou plus de richesses et donc plus aucun intérêt à rester sur ledit territoire. Cela représentait alors un fardeau plutôt qu’un avantage de le préserver. Ce n’est malheureusement pas le cas de la Nouvelle-Calédonie, qui est actuellement l’un des territoires d’outre-mer les plus riches de France, comme Haïti en son temps, possédant près d’un quart des réserves mondiales de nickel, contrairement au Vanuatu, aux Comores, etc., qui ne possédaient que du manioc et des bananes selon Eugène Claudius-Petit, vice-président de l’Assemblée nationale en 1971.
Bien que la solution de devoir payer son voleur, son esclavagiste pour recouvrer sa liberté puisse paraître paradoxale, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit peut-être de l’une des dernières possibilités pacifiques (outre la désobéissance civile) offertes aux indépendantistes a soumettre à l’État français. Celui-ci ayant rejeté lors de la dernière visite de son ministre des Outre-mer les 3 options que sont le fédéralisme, l’État associé et l’indépendance. Encore faut-il que l’Etat (le maître) accepte. L’ironie de la situation réside dans le fait de renouveler pour l’État sa volonté de maintenir la Nouvelle-Calédonie au sein de la France en ce mois de mai, mois du souvenir de l’esclavage comme évoqué plus haut, dénotant ainsi le cynisme et l’hypocrisie de l’appareil d’État envers ses populations dont il se moque en réalité totalement, ne pensant qu’à ses propres intérêts.
Il aurait été intéressant de voir quel aurait été le résultat, certainement différent, si les trois référendums d’autodétermination avaient été organisés au niveau national. Les Français ont démontré à maintes reprises qu’ils n’étaient pas sur la même longueur d’onde que ces dirigeants.
Pour revenir à la solution de l’affranchissement, et sur le modèle haïtien, cela représenterait entre 50 et 100 milliards d’euros à verser à la France par la Nouvelle-Calédonie, soit 5 à 10 ans de PIB calédonien. La durée de remboursement reste à définir.
Si cette somme peut paraître colossale, l’IA que nous avons utilisée pour quantifier cette solution nous rappelle que la France transfère actuellement environ 1,3 à 1,5 milliard d’euros par an à la Nouvelle-Calédonie (via les aides de l’État, la fonction publique, la solidarité sociale, etc.). Ainsi, sur un horizon de 10 à 20 ans, cela représenterait près de 30 milliards d’euros d’économies pour la France.
La relance de la filière Nickel avec la mise en place d’un cartel permettant un prix souhaité par les industriels autour de 25 000 dollars la tonne permettrait une marge brute pour le territoire de l’ordre de 2 milliards par an, soit sur 20 ans, selon la fiscalité, plus de 20 milliards €.
En intégrant, comme le propose sa solution n° 2, une sorte d’« États-Unis d’Océanie », la Nouvelle-Calédonie pourrait à nouveau, grâce à un accord de libre-échange entre l’Océanie et l’Union européenne, permettre à cette dernière d’économiser des droits de douane de l’ordre de 5 à 10 milliards d’euros, toujours sur 20 ans. L’intégration au sein d’une entité avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande permettrait également, par la mutualisation de la dette, non seulement à la Nouvelle-Calédonie mais aussi à l’ensemble des îles du Pacifique de bénéficier d’un échéancier de remboursement plus important ainsi que d’une source d’aide publique alternative à celle actuellement proposée par l’Empire du Milieu, qui déplaît aux Occidentaux.
Il faut également rappeler que près d’un milliard d’euros de capitaux quittent le territoire chaque année (cf. Dossier : la fiscalité en Nouvelle-Calédonie ). Avec une fiscalité adaptée, cela permettrait à nouveau de récupérer entre 5 et 10 milliards d’euros sur une période de 20 ans.
Les chiffres cités ci-dessus étant basés sur 20 ans, ils pourraient être multipliés par 2 ou plus pour une période de remboursement de 40 ans ou plus.
Ainsi, l’option de l’affranchissement demeure une voie à étudier et à privilégier par rapport au statu quo actuel ou à l’option violente qui risque de réapparaître étant donné le peu de choix que le pouvoir administrant laisse aux peuple premier.
Il est à noter qu’une fois indépendante, à moins d’être intégrée à un ensemble plus vaste comme dans notre solution n°2, la Nouvelle-Calédonie risque de connaître les mêmes déboires que l’Afrique, qui continue de subir les affres de la colonisation.
Avec une dette extérieure totale estimée à environ 1 152 milliards de dollars US fin 2023, selon la Banque africaine de développement ( Groupe Banque africaine de développement +1Capmad.com+ ), soit près de la moitié du PIB du continent, l’Afrique continue de subir une fuite de capitaux via les multinationales, comme le suggère l’IA, qui estime le phénomène massif, bien que difficile à quantifier précisément. Plusieurs rapports d’organisations internationales donnent une estimation des flux de capitaux sortant du continent chaque année, notamment via :
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- transferts de bénéfices vers le siège social ou les actionnaires des multinationales (dividendes, redevances, prix de transfert, etc.),
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- optimisation fiscale (via les paradis fiscaux),
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- flux illicites (fraude, corruption, fausses facturations).
Principales estimations
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- Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) – Rapport Mbeki (2015) :
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- Entre 50 et 80 milliards de dollars par an fuient l’Afrique par le biais de flux financiers illicites , dont une grande partie provient de la manipulation des prix de transfert par les multinationales.
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- Intégrité financière mondiale (GFI) :
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- On estime que l’Afrique subsaharienne perd entre 60 et 90 milliards de dollars par an en raison de pratiques commerciales illicites (factures falsifiées, évasion fiscale, etc.).
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- CNUCED – Rapport 2020 :
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- Entre 88,6 milliards de dollars par an quittent l’Afrique (en moyenne entre 2013 et 2015) via des flux financiers illicites , soit 3,7 % du PIB africain .
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- La majorité de ces flux sont liés à l’extraction de ressources naturelles.
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- Oxfam et autres ONG :
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- Ils soulignent que les entreprises multinationales rapatrient une part très importante de leurs bénéfices , souvent plus qu’elles n’investissent localement.
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- Certaines études estiment que les pays riches reçoivent plus d’argent de l’Afrique qu’ils n’en envoient sous forme d’aide ou d’investissements .
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Conclusion
Entre 80 et 100 milliards de dollars quittent l’Afrique chaque année, principalement à travers :
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- bénéfices rapatriés par les multinationales,
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- optimisation et évasion fiscales,
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- manipulation des prix de transfert.
Une grande partie de ces sommes finit dans les pays développés, notamment en Europe, aux États-Unis et dans les paradis fiscaux, pour rémunérer les actionnaires ou gonfler les bilans des sociétés mères, laissant le continent dans une situation de sous-développement.
Nous vous souhaitons une bonne lecture et vous rappelons que le fédéralisme est la seule solution pour concilier l’unité dans la diversité.
L’association APROFED