
Un projet d’accord qui n’en est pas un
Bonjour à tous,
L’association APROFED revient vers vous cette semaine suite à la consultation par l’AFP et la publication par la presse du projet d’accord confidentiel remis par le ministre des Outremers aux partenaires locaux calédoniens.
Vous trouverez ci-dessous le décryptage de ce document réalisé par NC1ere au lien suivant : DECRYPTAGE. Ce que contient le projet d’accord sur la Nouvelle-Calédonie proposé par l’Etat
Si l’association avait pu commenté favorablement le 1er document, dit de synthèse, remis par le ministre de l’outremer lors de sa 1ere visite sur le territoire en février dernier aux vues des propositions novatrices qui y avaient été faites (cf. Avis sur le document de synthèse de l’Etat et ébauche d’une Constitution calédonienne par l’IA – APROFED) , il en est tout autrement pour ce 2nd document après le résumé fait par les journalistes, qui semble être le prolongement de l’accord de Nouméa (ADN) actuel corrigé à la marge.
En effet, exit la proposition d’auto-organisation, de transfert de la “compétence de la compétence”, autrement dit de la souveraineté interne permettant de finaliser le processus fédéral engagé lors des accords de Matignon et poursuivi avec ceux de Nouméa, qui aurait permis de proposer aux indépendantistes, une “petite indépendance” tout de suite en attendant celle définitive qui aurait fait l’objet d’un nouveau vote d’autodétermination dans une trentaine d’années.
Concernant ce point, si celui-ci est à nouveau mentionné dans le document, il devra pour être adopté, obtenir la majorité des 3/5e par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Il faudrait donc que les indépendantistes, qui détiennent aujourd’hui un peu moins de la moitié des sièges mobilisent au-delà de leur camp pour pouvoir déclencher un référendum sur ce sujet, rendant de facto cette possibilité, impossible.
Plus de mention également de la loi fondamentale (ou Constitution) qui vu les propositions faites dans le document n’aurait plus aucun sens. Imposée de l’extérieur, la Nouvelle-Calédonie disposerait ainsi d’une Constitution vidée de sa substance, sans réelle souveraineté même partagée (interne).
Concernant les compétences régaliennes, celles-ci resteraient entièrement sous le contrôle de l’Etat. Aucune ne serait transférée. L’Etat reprenant ici la proposition du parti de Centre droit Calédonie Ensemble de simplement permettre à des calédoniens d’être formés en vue d’intégrer l’encadrement des différents corps d’Etat que sont la justice, la police, l’armée, …
Bien que dites partagées, l’Etat en conserverait en réalité le contrôle plein et entier. Le listing des mesures, comités, commissions, annonçant un quelconque partage n’étant qu’un faux-semblant, que l’on pourrait qualifier de poudre de perlimpinpin, pour lequel les indépendantistes ne sont pas dupes, estimant que c’est une manière déguisée de prolonger la dépendance vis-à-vis de l’État français. Finalement, ce document ne traduit qu’un lien d’appartenance encore plus fort à la France (cf. Les grandes lignes du projet d’accord de Valls pour la Nouvelle-Calédonie – Radio1 Tahiti)
Concernant la gouvernance, l’Etat abonde cette fois du côté des extrémistes loyalistes désireux de renforcer les provinces en leur accordant la compétence fiscale, propre au territoire actuellement, annonçant la transformation du gouvernement calédonien actuel, vidé de sa substantifique moelle, en un gouvernement fantôme pour ne pas dire fantoche, ce que dénonce d’ores et déjà les indépendantistes qui y voient un projet de partition du pays.
L’association propose à l’Etat, s’il croit le bien fondé de cette proposition, qu’il l’applique dans ce cas à lui même également, en se dessaisissant de cette compétence au profit de ses régions !
Seul point positif, qui resterait à confirmer par l’analyse du texte originel, est celui sur la citoyenneté avec l’octroi de celle-ci aux natifs, nés de parents déjà eux-mêmes citoyens calédoniens. Les nouveaux arrivants devant dans un délai de 15 ans prouver leurs attaches au territoire et faire l’objet d’un test de citoyenneté. L’association rappelle néanmoins sur ce point que tant que l’Etat conservera la compétence judiciaire et la souveraineté législative avec le contrôle par le Conseil d’Etat et Constitutionnel des lois de pays, tout avantage permis par des lois locales à des citoyens calédoniens seront nul et non avenu car rejeté par l’Etat au travers des institutions précédemment nommées, comme c’est le cas aujourd’hui. Ainsi, la citoyenneté ne représenterait tout au plus qu’un bout de papier n’ayant pas plus de valeurs que du papier toilette. Il convient de rappeler que cette citoyenneté devait déjà être mise en place durant la période de l’ADN, ce qui n’a pas été le cas.
L’association regrette le comportement de l’Etat, certes pas nouveau, qui se permet de faire des promesses qu’il ne tient pas, pour oser présenter un projet d’accord aussi vide que celui attendu sur la vie chère en outremer. L’Etat français se trouvant avec la Nouvelle-Calédonie aujourd’hui dans la même situation que l’Etat espagnol avec la Catalogne en 2017 qui déclara unilatéralement son indépendance dû à une promesse d’autonomie renforcée non tenue par l’Etat central.
Cette façon de faire rappelant l’époque de la Communauté française du Gal De Gaulle, qui paré de la notion de fédéralisme, ne proposait en réalité à ses colonies qu’un leurre pour ne pas dire une arnaque afin de continuer à les contrôler. On connaît tous la suite. Avec certes, pertes et fracas, la quasi totalité de celles-ci devinrent indépendantes. Le traitement au cas par cas de chaque territoire ultramarin, plutôt que d’appliquer une solution unique pour l’ensemble de ceux-ci, que représenterait le fédéralisme, démontre bien la stratégie de l’Etat de diviser pour mieux régner.
La France démontrant à nouveau sa volonté de ne pas s’engager dans cette transition vers un système fédéral qu’elle estime, s’il aboutissait en Nouvelle-Calédonie, qu’il contaminerait rapidement le reste non seulement des outremers français mais également les régions métropolitaines elles-mêmes, amenant la fin de la centralisation du pouvoir par Paris. Cette peur de partage de souveraineté se retrouve également au niveau européen, où la France bloque son évolution. L’argument souvent apportée par la France au sujet de la Nouvelle-Calédonie comme étant un « laboratoire » en vue de tester de nouvelles solutions de gouvernance et de décolonisation, de nouveaux mécanismes utiles à la France, tel le fédéralisme, ne semble être en réalité que du vent comme le reste. La France ne souhaitant ni l’indépendance, ni le fédéralisme mais la clôture de ce dossier notamment à l’ONU par l’intégration pure et simple du territoire en son sein, ce qu’ont refusé les calédoniens avec le statut de TOM en 1946.
Se prononçant pourtant favorablement à un statut d’autonomie renforcée pour le Sahara occidental vis-à-vis du Maroc, il apparaît que la France ne souhaite pas s’appliquer à elle-même ce qu’elle préconise aux autres, respectant le dicton à la lettre du “faites ce que je dis, pas ce que je fais”.
Cela ne présageant, rien de bon, pour l’association, à l’approche d’autant plus de la date d’anniversaire de l’insurrection du 13 mai 2025.
Le remplacement du haussaire (préfet) par une personne qui ferait preuve selon certains de plus de fermeté, de par sa formation d’ancien militaire, (cf. La nomination de Jacques Billant « traduit un choix assumé de l’État : celui de la fermeté », les premières réactions au changement de haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie) amène à penser que l’Etat souhaiterait faire passer son projet d’accord en force à la fin du mois d’avril (cf. REPLAY. Vers un accord sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie ? « Il faut qu’il soit noué à la fin du mois », précise Manuel Valls) et anticipe donc cette fois-ci une réaction des indépendantistes, ce qui serait tout à fait normal, dans la mesure où aucune de leurs propositions n’a été prises en compte. Ces derniers ayant même fait planer l’hypothèse de ne pas être présents lors du retour du ministre de l’outremer à la fin du mois d’avril (cf. Le FLNKS encore incertain de sa participation aux futures négociations sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie) . Avec un tel projet présenté par le ministre, il serait en effet surprenant que ceux-ci veuillent rester autour de la table reproduisant ainsi le scénario “Lepredour” de 2020. La divulgation des tenants de l’accord par la presse ont amené l’Etat a rétropédalé en qualifiant le projet d’accord comme un simple document de travail et qu’il ne s’agissait pas de propositions unilatérales de l’Etat. (cf. Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie : l’État fait le point après la divulgation du projet d’accord).
Reste à savoir quelle sera la réaction des indépendantistes face à la politique du “yoyo” proposée par l’Etat? Ceux-ci laisseront-ils faire sans rien dire comme dans les années 60 avec les lois Jacquinot et Billote, perdant leurs autonomies pendant près de 20 ans, où reproduiront-ils le scénario de la grotte d’Ouvéa qui certes occasionna près de 20 morts mais leur permis de retrouver, ce qu’ils réclamaient, depuis la fin de la loi cadre Defferre de 1956, à savoir un statut d’autonomie.
L’association répète afin d’éviter ces 2 scénarios, qu’il reste encore celui consistant à nous rapprocher de nos voisins du pacifique (cf. sans la France – APROFED ; Intégrer le Commonwealth australien ? – APROFED ) qui pourrait être combiné à celui de l’affranchissement (cf. Une autre voie de décolonisation : l’affranchissement ? – APROFED)
En vous souhaitant une bonne lecture et en vous rappelant que le fédéralisme est la seule solution pour concilier l’unité dans la diversité.
L’association APROFED