
Rapport d’information sur l’avenir institutionnel des outre-mer
Bonjour à tous,
L’association APROFED revient vers vous en cette fin de semaine afin de vous faire suivre le rapport d’information déposé par la délégation aux outre-mer sur l’avenir institutionnel des outre-mer (n° 774)1, de 370 pages, déposé le mercredi 15 janvier 2025 à l’assemblée nationale, élaboré en parti par le député guyanais Davy Rimane.
Si après analyse, le diagnostic et les constats correspondant à la réalité, l’association se désole malheureusement de la finalité du dit rapport qui se termine par une série de recommandations à la carte pour chaque territoire ultramarins sans vision d’ensemble et loin de “l’Appel de Fort de France” lequel souhaitait revoir la relation avec l’Etat.
L’association s’étonne également sur le fait qu‘aucune recommandation ne soit proposée concernant la Nouvelle-Calédonie, de même que pour la Martinique, ayant connu des troubles durant la réalisation du rapport, même si le diagnostic retranscrit la volonté des populations locales.
On y apprend néanmoins certains éléments intéressants comme dans le rapport du même type du Sénat paru en 20232, correspondants à la vision de l’avenir institutionnel souhaité par les représentants ultramarins vis-à-vis de la France, à savoir :
– une volonté de laisser à l’Etat les compétences régaliennes mais de récupérer et gérer toutes les autres compétences au niveau local sans ingérence de l’Etat, accédant ainsi à une véritable autonomie ou souveraineté législative, ce que permet le fédéralisme et ce que prône l’association.
Serge Letchimy, président de la collectivité de Martinique : « Il faudrait selon moi supprimer le rôle du préfet, et le remplacer par un représentant des affaires régaliennes de l’État. Il doit, selon moi, être remplacé par une personne chargée des grands intérêts et sujets régaliens de l’État, de l’armée, de la monnaie, de la justice, et du droit. Tout ce qui concerne le développement interne et local doit rester à la main des collectivités ».
Du côté de la Polynésie, l’État doit rester à un niveau stratégique, définir les grands intérêts, les grands objectifs et laisser leur autonomie aux collectivités locales.
A La Réunion, le Paré (Parti réunionnais), fondé en mai 2022 prône le choix d’une « autonomie législative et réglementaire de plein droit »
Les accords de Guyane, suivis des « États généraux de Guyane », appelle à un « changement de paradigme » sous la forme d’un nouveau statut pour la Guyane, « à l’instar de la Corse, de la Polynésie, de la Nouvelle‑Calédonie, où il existe une assemblée locale et un gouvernement local ». Ce cadre devrait permettre à la Guyane d’élaborer ses propres normes juridiques, dans le respect de ses spécificités et de ses intérêts, mais aussi de disposer de larges compétences. Selon M. Gabriel Serville, s’agissant de l’organisation institutionnelle actuelle de la Guyane, la question du passage au principe de spécialité législative, cela nous paraît plus que nécessaire, et même indispensable.
Pour Wallis et Futuna, selon M. Munipoese Muli’aka’aka, le principe de spécialité législative devrait garantir une meilleure adaptation des textes nationaux aux spécificités locale.
Dans le rapport du Sénat, les 2 rapporteurs envisagent ainsi de reconnaître aux collectivités de l’article 74, le droit à exercer toutes les compétences, à l’exception des compétences régaliennes.
– la mention à plusieurs reprises d’une solution fédérale.
En Polynésie, Mme Vannina Crolas, ministre de la fonction publique, de l’emploi, du travail, de la modernisation de l’administration et de la formation professionnelle a admis que la Polynésie ira vers un État fédéral avec des archipels fédérés. Certains maires indépendantistes, sont d’ailleurs dans une démarche quasiment fédérale. Le gouvernement polynésien souhaite que soit créé dans la Constitution française un titre spécifique concernant la Polynésie, à l’instar de ce qui existe déjà pour la Nouvelle-Calédonie, dont le statut fédéral issu des accords de Matignon-Oudinot et mentionné dans ceux-ci s’est transformé au sein de la Constitution par la suite par un statut sui generis. En souhaitant un statut similaire, la Guyane et la Corse prône ainsi elles aussi pour un concept fédéral, déjà connu et proposé par l’Etat il y a plus de 60 ans pour d’autres de ces territoires (afrique+asie).
En effet en 1958, déjà, Aimé Césaire plaide pour la transformation de la Martinique en région dans le cadre d’une République fédérée. Le général de Gaulle lui oppose une fin de non-recevoir. Pourtant ce dernier proposera 1 an plus tard, la solution fédérale aux algériens3 dans l’Echo d’Alger.
L’Éveil océanien, un parti politique qui défend essentiellement les intérêts de la communauté wallisienne et futunienne de Nouvelle-Calédonie, milite aussi pour la création d’un « Commonwealth à la française » qui rapprocherait les différents territoires français du Pacifique, à l’instar de l’Union française et de la Communauté d’après Guerre, dont les articles aujourd’hui abrogés au sein de la constitution pourraient être réinstitués.
Comme déjà mentionné dans un précédent article, l’association doute fortement que l’Etat applique cette hypothèse dans la mesure où la perspective d’avancée significative concernant la Corse, qui n’est pas un territoire d’outre‑mer, fait ainsi espérer aux élus ultramarins qui le souhaitent – comme d’ailleurs à ceux de certaines régions hexagonales, notamment la Bretagne – une avancée rapide quant à l’évolution institutionnelle de leurs territoires. Ainsi, si un système fédéral en outremer venait à être établi, il est certains que les régions métropolitaines (crées par des fédéralistes) demandent également d’y être intégrées, amenant ainsi la France à basculer définitivement vers un système fédéral.
Est-ce pour cela que le rapport du député guyanais, bien qu’énumérant de façon exhaustive l’ensemble des statuts des autres collectivités ultramarines de par le monde, autrement que françaises et à majorité fédérales, n’est pas proposé cette solution ? Le refus de l’Etat de cette solution par le passé à ces pères (Césaire, Senghor, …) l’ayant peut-être échaudé sur le sujet. Où est-ce le fait d’avoir réalisé ce travail avec un conservateur et aussi un membre du parti présidentielle au tout début qui n’a pas permis à l’inverse du rapport des sénateurs d’être plus percutants et innovants en vue de définir une solution globale. Le fait d‘arriver à la conclusion que chaque collectivités souhaitent un statut particulier4 n’amène-t-il pas à jouer le jeu de l’Etat, étant de diviser pour mieux régner et surtout perdre du temps dans la négociation et rédaction de ces statuts pour au final toujours garder la mainmise sur ces territoires et le pouvoir centralisé à Paris.
Le rapport souligne que l’absence de vision stratégique pour les Outre-mer nuit à leur développement et à leur intégration au sein de la République. L’association ne voit malheureusement pas non plus cette vision dans ce rapport, à l’inverse du projet que nous portons à l’heure actuelle, seule perspective non seulement pour la Nouvelle-Calédonie mais également pour l’ensemble des territoires ultramarins et pourquoi pas pour la France elle-même au sein de l’UE.
Il semblerait par ailleurs que ce rapport ainsi que celui du Sénat soit tous les deux déjà révolus puisqu’un 3e rapport sur la même thématique demandé cette fois-ci directement par le président de la république5 semble aller dans la direction opposée des 2 premiers, préconisant le développement économique avant le changement institutionnel alors que les représentants ultramarins demandent exactement le contraire à savoir d’avoir les coudés franches en ayant la gestion de leurs propres compétences internes pour pouvoir développer leurs territoires. Ce dernier rapport comme le souligne certains journalistes devraient ainsi faire prochainement “grincer des dents” dans les outre-mer6, comme le démontre la réaction du député Rimane lors de la présentation de son rapport.
Vous pouvez d’ailleurs retrouver l’entièreté de l’audition de Davy Rimane et Philippe Gosselin sur l’avenir institutionnel des Outre-mer en date du 15/01/2025 sur la chaîne LCP de l’assemblée nationale avec le commentaire apporté par le député Emmanuel Tjibaou au lien suivant :
Audition de Davy Rimane et Philippe Gosselin sur l’avenir institutionnel des Outre-mer – 15/01/2025
En vous souhaitant une bonne lecture et en vous rappelant que le fédéralisme est la seule solution pour concilier l’unité dans la diversité.
L’association APROFED
4 Outre-mer : ‘Chaque collectivité souhaite un statut particulier’, indique un rapport parlementaire | LCP – Assemblée nationale