Les différentes formes de fédéralisme

Les différentes formes de fédéralisme
16 juin 2025

Les différentes formes de fédéralisme

Bonjour à tous,

L’association APROFED revient vers vous cette semaine suite à l’intervention du président de l’Eveil Océanien, il y a 2 semaines, sur l’antenne de NCla1ere (cf. L’INVITE DU DIMANCHE : Milakulo TUKUMULI).

Il y mentionnait que 3 types de fédéralisme avait été envisagée dans le cadre de la recherche d’un accord pour la Nouvelle-Calédonie, à savoir :

1°) un fédéralisme simple, dans lequel l’Etat français deviendrait un Etat fédéral, où la Nouvelle-Calédonie ferait partie d’un Commonwealth à la française,

2°) un fédéralisme double où les provinces obtiendrait plus de pouvoir, solutions proposée par les loyalistes qui viseraient à revenir à la situation des années 1980,

3°) un troisième fédéralisme équivalent à une souveraineté différenciée, correspondant à une partition, proposée là encore par les loyalistes et qui fut immédiatement enterré.

A l’instar du député indépendantiste calédonien utilisant le terme d’Etat confédéré à la place d’Etat-associé, l’association se désole de constater l’usage de notions et concepts juridiques qui semblent malheureusement non maîtrisés par nos représentants politiques locaux, ce qui n’inaugure rien de bon quant à la recherche d’un nouveau statut juridique pour le territoire.

Si nous sommes revenus la semaine dernière sur les notions d’Etat-associé et d’Etat confédéré, nous avons jugé utile de revenir cette semaine sur la notion de fédéralisme.

Là où le président de l’Eveil Océanien a raison, c’est qu’il existe une multitude de forme de fédéralisme, que l’on peut retrouver dans la littérature, souvent classées selon des critères politiques, historiques ou institutionnels. On peut généralement en distinguer 2 grandes formes visant à décrire la création, l’origine de la fédération. Ce nombre pouvant varier, selon les auteurs ou contextes. Les autres formes de fédéralisme servant à décrire bien souvent le fonctionnement interne de la fédération.

1. Fédéralisme descendant, par désagrégation ou dissociation, dit de maintien

Cette forme de fédéralisme est utilisée généralement pour désigner les Etats unitaires ayant décidé de devenir des Etats fédéraux avec en leurs seins la création d’Etats fédérés, généralement afin d’éviter l’implosion de l’Etat suite à des tensions internes et des revendications d’émancipation.

Cela correspond donc à diviser le pouvoir à l’intérieur d’un État, du haut vers le bas, entre un gouvernement central et des entités fédérées (ex : pays slaves).

2. Fédéralisme ascendant, par agrégation, dit de rassemblement

Cette forme de fédéralisme consiste à définir le fait que plusieurs États indépendants choisissent de s’unir pour former une entité commune de type supranationale (ex : pays d’amérique du Nord) en vue généralement de se défendre, créant à partir d’Etats (fédérés) un super Etat (fédéral) allant ainsi du bas vers le haut.

Une 3e forme de fédéralisme dit communautaire ou ethnique à l’origine de la création d’Etats fédéraux au Moyen-Orient, en Asie, ou Afrique basé sur des identités culturelles, linguistiques ou ethniques a pu voir le jour parfois controversé car il peut figer les divisions (ex : Belgique, Ethiopie, …) A l’intérieur de celui-ci, chaque communauté dispose d’un statut spécifique, de tribunaux également spéciaux et de sièges réservés au parlement. Bien que défendu un temps par A.Camus pour résoudre le conflit algérien, ce type de fédéralisme est très peu usité car chaque communauté occupant un espace donné, on revient donc de fait à un fédéralisme territorial.

En ce qui concerne les autres formes de fédéralismes, servant à décrire le fonctionnement interne de la fédération, il en existe plusieurs comme :

1. Fédéralisme dual

Chaque niveau de gouvernement exerce ses compétences de façon séparée, avec peu de chevauchement (ex. : ancien modèle américain, « layer cake federalism »). Chacun gère ses domaines sans interférence.

2. Fédéralisme coopératif

Consiste en une coopération étroite entre le niveau fédéral et les entités fédérées, souvent pour des politiques conjointes (ex. : Allemagne). Permet une cohérence nationale tout en respectant les spécificités locales.

3. Fédéralisme compétitif

Les entités fédérées sont en concurrence pour attirer des ressources, des investissements, ou pour innover politiquement.

4. Fédéralisme asymétrique

Les entités fédérées n’ont pas toutes les mêmes pouvoirs ou statuts. Certaines ont plus d’autonomie (ex. : Espagne avec la Catalogne et le Pays basque, Canada avec le Québec). Permet de répondre à des spécificités culturelles, linguistiques ou historiques.

5. Fédéralisme intégré (ou centralisé)

L’État fédéral joue un rôle dominant ; les entités fédérées ont peu d’autonomie réelle. Renforce l’unité nationale. Tendance observée dans certains États fédéraux pendant des périodes de crise (par exemple, certaines politiques fédérales dans les États-Unis post-2001).

En Nouvelle-Calédonie, jusqu’à présent, 2 formes de fédéralisme ont pour l’heure réellement étaient évoqués, à savoir :

un fédéralisme descendant, par désagrégation ou dissociation, visant à répondre aux revendications indépendantistes d’une partie de la population de la Nouvelle-Calédonie, qui amènerait le territoire a obtenir la souveraineté (interne) sur les compétences déjà acquises au travers des accords de paix de Matignon et de Nouméa ayant instauré les bases du fédéralisme sur le territoire. L’Etat français partageant ainsi, sans droit de regard, le pouvoir législatif et politique (fédéralisme externe) hormis en ce qui concerne les compétences régaliennes qui demeureraient gérées par la France. La France devenant un Etat fédéral, ce qu’elle est déjà sans oser le dire pour certains, et la Nouvelle-Calédonie, un Etat fédéré officiellement reconnu comme tel ou à nouveau caché sous un statut sui generis pour éviter par l’Etat de prononcer le terme anglo-saxon de fédéralisme,

– et un fédéralisme communautaire ou ethnique, présenté notamment par P.Bretegnier (cf. Assumer le fédéralisme | Actu NC) , qu’il qualifia de « triple fédéralisme », consistant en plus de revoir l’organisation interne de la NC et son lien à la France de permettre au peuple premier d’être souverain sur ses propres terres, appelées plus communément terres coutumières qui représentent aujourd’hui seulement 26% de la surface du territoire. Les kanaks souverains sur leurs terres pourraient résoudre les conflits sur leur propres terres, autrement dit rendre la justice et mettre en place une police coutumière, gérant ainsi également la sécurité, 2 des compétences régaliennes attribuée pour l’heure à l’Etat.

Le projet présenté par les loyalistes de “fédération territoriale” ou “fédéralisme interne”, que certains ont qualifié d’asymétrique par erreur, n’étant pas du fédéralisme puisque visant à séparer in fine, en supprimant  l’échelon administratif territorial au profit des provinces afin de rattacher la province Sud, tel un département à la France, les 2 autres (Nord et Iles) ayant un statut à part. Qualifié d’apartheid institutionnalisé par ses détracteurs, ce projet s’est bien révélé aux dires de ses promoteurs être un projet de partition. Ceux-ci au conclave de Deva allant même jusqu’à vouloir se séparer des communes indépendantistes de la province Sud que sont Thio et Yaté (cf. « Souveraineté asymétrique » : en quoi consiste le projet pour la Nouvelle-Calédonie d’une partie des non-indépendantistes ?). Quid des communes de Poya, de Sarraméa et de l’ile des Pins?

Quand à la notion de double fédéralisme, interne et externe, utilisée par certains représentants politiques et reprises par nos soins, celle-ci n’existe pas en tant que tel. Elle renvoi en réalité au fédéralisme descendant, par désagrégation ou dissociation mais qui a été utilisé afin de vulgariser, simplifier au plus grand nombre la notion de fédéralisme et ce vers quoi nous souhaiterions aller pour le pays. Le double fédéralisme, à l’inverse des dires du président de l’Eveil Océanien, ne consiste donc pas à renforcer les provinces au détriment du territoire, ni à retourner 40 ans en arrière.

Nous vous renvoyons au livre de Florence et Jean-Yves FABERON afin de découvrir les différentes formes de fédéralisme adoptées par pays au niveau mondial : Les fédéralismes – Calédo Livres

Nous vous souhaitons une bonne lecture et vous rappelons que le fédéralisme est la seule solution pour concilier l’unité dans la diversité.

L’association APROFED