La situation de la Nouvelle-Calédonie : un cas isolé ?

La situation de la Nouvelle-Calédonie : un cas isolé ?
01 octobre 2024

La situation de la Nouvelle-Calédonie : un cas isolé ?

Bonjour à tous,

Reste de l’empire français et du temps de la colonisation, la Nouvelle-Calédonie est ainsi inscrite il y a près de 80 ans, en 1946, sur la liste des territoires non autonomes établie par l’ONU visant à accéder potentiellement à leurs indépendances (cf. Nouvelle-Calédonie | Les Nations Unies et la décolonisation). Retirée de cette même liste l’année suivante en 1947 sur demande de la France pour avoir fait le choix de demeurer un Territoire d’Outre-Mer (T.O.M) français avec un statut d’autonomie, elle est à nouveau réinscrite sur cette liste en 1986, à la demande du peuple autochtone n’ayant pas réussi à récupérer son autonomie abrogée unilatéralement par l’Etat français dans les années 1960 avec les lois Billotte et Jacquinot, posant par la suite dans les années 1970-1980 les bases de la mouvance indépendantiste qui perdure jusqu’à ce jour.

Cela fait ainsi près de 50 ans que le peuple kanak, contraint par l’Etat, a fait le choix de l’indépendance. Néanmoins, 2 générations après celui-ci, fort est de constater que le chemin est encore long et la destination voire quasi inaccessible, amenant ce dernier à rechercher d’éventuels soutiens extérieurs.

Car si la majeure partie de la population kanak est indépendantiste, il ne représente cependant que 100 000 individus. Comment ainsi se défaire de l’emprise d’une nation comptabilisant près de 70 millions d’habitants avec une armée professionnelle de près de 240 000 hommes, si ce n’est avec le soutien de pays de taille comparable voir plus.

Malheureusement, les puissances avoisinantes de la Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, notamment anglo-saxones, présentent aujourd’hui une situation comparable à la France avec la gestion de territoires non autonomes ayant la même problématique. Citons l’île de Norfolk pour l’Australie, les Iles Cook et Niue pour la Nouvelle-Zélande, Porto-Rico pour les Etats-Unis, … Il est d’ailleurs intéressant de noter que les territoires non autonomes de ces pays, bien qu’étant pour la plupart des Etats dits associés, se plaignent également de leurs statuts et veulent évoluer soit vers celui d’Etat fédéré ou d’indépendance pleine et entière.

Notons également que les politiques raciales et ségrégationnistes menées par le passé par ces pays de tutelle ne sont pas en faveur du peuple kanak.

Il semble donc peu crédible d’obtenir pour les leaders indépendantistes locaux un quelconque soutien réel de ce côté là même si ces dits pays souhaiteraient conserver la Nouvelle-Calédonie dans leurs girons face à l’influence grandissante de la Chine dans la région.

La main mise de certains de ces pays sur les organisations internationales comme l’ONU n’est pas pour arranger les choses. L’exemple du retrait d’une vingtaine de ces pays lors du dépôt par le FLNKS d’un projet de Constitution pour un éventuel futur Etat indépendant de Kanaky en 1987 à l’ONU (cf. Événements politiques de 1984 à 1988 en Nouvelle-Calédonie — Wikipédia (wikipedia.org)) illustre bien la réticence des dernières puissances administrantes des territoires non autonomes à leurs permettre de recouvrir leurs libertés et disposer d’eux-mêmes.

Ainsi, face à l’échec d’imposer le départ de la France par le jeu de la diplomatie internationale, ne demeure que 2 solutions aux leaders indépendantistes kanaks que sont :

– la négociation en vue d’un nouveau statut autonomique avec la France, comme le propose l’association avec la création d’un Etat fédéré. Malheureusement, le document martyr proposé en 2023 par l’Etat (cf. Emeutes en Nouvelle-Calédonie : comme Darmanin a mis le feu aux poudres (off-investigation.fr)) en vue de définir le devenir de la Nouvelle-Calédonie après les accords de Nouméa semble nous ramener dans les années 1960 avec une volonté d’abroger l’autonomie actuelle du territoire pour mieux l’intégrer dans la France.

– ou la reprise de la lutte armée.

La population kanak, même sans armée, dispose de la connaissance du terrain et d’une capacité avérée de nuisance, comme l’ont démontré les évènements de cette année et comme l’a reconnu le président Mitterand dans les années 1980. Elle a néanmoins bien compris qu’elle ne faisait pas le poids face à la France et que reprendre la lutte armée lui coûterait trop de vie humaines comme le rappelle Anthony Tutugoro dans sa thèse en 2024 (cf. 2024 Soutenance de thèse de Anthony Tutugoro (youtube.com)) relative aux stratégies de reconquête de souveraineté par le mouvement indépendantiste en Nouvelle-Calédonie.

Sachant cela, il convient toutefois pour les autorités françaises de veiller à ne pas réprimer aussi bien la cause indépendantiste que le peuple qui la porte en rétablissant une relation dominant-dominé, afin de ne pas l’acculer dans des extrémités et la conduire à faire des choix peu judicieux comme : demander le soutien de l’Azerbaïdjan, voir même du président de la fédération de Russie, (comme certains pays africains ou sud américains dans les années 60-70) risquant ainsi de déporter dans le pacifique Sud la nouvelle guerre froide qui s’est ouverte entre les grandes puissances, suite à la guerre en Ukraine, et qui impacte déjà, outre l’Europe, le proche et Moyen-Orient et dans une moindre mesure l’Afrique et l’extrême orient.

A ce titre, il convient de rappeler les propos du président russe menaçant de livrer des armes à des pays tiers afin de frapper des intérêts occidentaux si ceux-ci livraient des armes longues distances à l’ukraine en vue de frapper le territoire russe (cf. Vladimir Poutine menace de livrer des armes à des pays tiers afin de frapper des intérêts occidentaux (lemonde.fr)). Pour information, la marine russe dispose d’une importante flotte dans le Pacifique basée à Vladivostok (cf. Flotte du Pacifique (Russie) — Wikipédia (wikipedia.org)) comme le démontre l’exercice “Ocean 2024” (cf. Plus de 400 navires russes et chinois en mer du Japon pour un exercice militaire géant (courrierinternational.com))

Rappelons également les tensions sino américaines qui ont amenées la Chine a proposé aux Iles Salomon, archipel mélanésien situé au Nord de la Nouvelle-Calédonie, l’installation d’une base militaire permanente sur leur territoire. (cf. La Chine « assure la sécurité » des îles Salomon et s’impose dans le Pacifique (lemonde.fr) et L’influence de la Chine sur les îles Salomon est « inquiétante » pour la sécurité dans le Pacifique (ouest-france.fr)).

Si le président de l’Union Calédonienne (UC) avait spécifié en juin 2024 qu’il intensifierait les démarches dans les mois à venir auprès des groupes des Brics et des pays non alignés (cf. L’UC veut déclarer l’indépendance de Kanaky le 24 septembre prochain – La Voix du Caillou), il convient d’éviter pour l’association d’en venir à rentrer en guerre et à sacrifier 1 000 jeunes comme l’avait indiqué des représentants de ce parti (cf. Dégel : « un texte qui répond à une nécessité juridique et démocratique » – La Voix du Caillou). C’est pourquoi, un accord politique doit être rapidement trouvé afin d’éviter d’en arriver à ces extrêmes.

Une 3e voie de décolonisation avec la France existe et a déjà été mise en oeuvre, bien qu’elle ai coûtée chère au pays qui la mise en oeuvre, à savoir Haïti, consistant à acheter son indépendance. Cette somme est estimée aujourd’hui entre 20 et 200 milliards de dollars (cf. France : à l’ONU, Haïti demande le remboursement de la dette d’indépendance – La Nouvelle Tribune). Or, si chaque année la France verse 1 à 2 milliards d’euros pour payer en majorité les salaires et les pensions de son personnel, les indépendantistes ont estimé que quasiment autant sortait chaque année de Nouvelle-Calédonie via notamment les multinationales. Dans son livre sur la décolonisation de la Nouvelle-Calédonie : quelle avenir?, page 77, Joel Kasarhérou allant même plus loin énonçant qu’en 2019 le volume des flux financiers au niveau du territoire s’élevait à 4 400 milliards de fcfp soit environ 36 milliards d’euros. Pour rappel, bien que la Nouvelle-Calédonie ne représente que 10% de l’offre commerciale de Nickel au niveau mondial, celle-ci dispose de 25 à 30% des réserves planétaires de cet “or vert” ou “métal du diable” comme certains le nomme, richesse qui l’amène à être convoitée par beaucoup de pays et qui constitue également l’une des raisons pour laquelle la France ne donnera jamais l’indépendance à la Nouvelle-Calédonie comme nous le rappelons dans notre article : 4 raisons pour lesquelles la France n’accordera jamais l’indépendance à la Nouvelle-Calédonie – APROFED

En vous souhaitant une bonne lecture et en vous rappelant que le fédéralisme est la seule solution pour concilier l’unité dans la diversité.

L’association APROFED