
Avis sur le dégel du corps électoral
Bonjour à tous,
L’association APROFED revient vers vous cette semaine après 3 mois d’émeutes suite à la demande de certains de certain(e)s de ses lecteurs et sympathisants qui souhaiteraient connaître notre position quant à la question du dégel du corps électoral à la source de l’insurrection du 13 mai dernier.
Comme mentionné dans l’un de nos articles présent sur notre site, intitulé : le gel du corps électoral : l’essai d’une 3e voie (cf. Le gel du corps électoral : l’essai d’une 3e voie – APROFED ), nous rappelons dans celui-ci que le gel du corps électoral avait été imaginé par les indépendantistes non pas afin d’exclure certaines populations comme beaucoup le pense mais plutôt d’offrir à la Nouvelle-Calédonie, une alternative aux 2 seules modes de décolonisation offert jusqu’à présent par l’histoire notamment française jugées brutales, c’est à dire soit par les armes ou le retrait pur et simple sans transition de l’Etat colonisateur pouvant être perçu par les populations locales comme un abandon.
C’est pourquoi, l’association estime qu’il conviendrait de poursuivre dans cette voie et ainsi conserver le gel du corps électoral.
L’association estime qu’il aurait été judicieux pour les loyalistes en contrepartie de la conservation de ce gel, de demander à ce que le prochain vote d’autodétermination se tienne d’ici une génération, dans 30 ans, en 2053 par exemple pour la date du bicentenaire de la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France, laissant ainsi dans ce laps de temps le temps de continuer le développement du territoire dans le cadre d’un destin commun.
L’association souhaite cependant réagir face à certains discours entendu du côté des loyalistes en faveur du dégel du corps électoral, notamment celui affirmant que la “démocratie correspondait à une homme = une voix”, qu’il convient de nuancer au vu de l’histoire de France.
En effet, comme le rappel l’anthropologue Stephanie Graff, le principe d’un homme-une voix découlant de toute démocratie fut mis en place par l’Etat en Nouvelle-Calédonie contre le peuple colonisé et sa volonté d’indépendance, lequel rendu minoritaire face à l’immigration massive organisé par l’Etat, ne pouvait dès lors espérer obtenir sa liberté par les urnes.
Il convient de rappeler également que si les hommes français disposent du droit de vote depuis 1848, les femmes ne l’obtiennent quant à elles qu’en 1944, soit près d’un siècle plus tard. Pour information, en Nouvelle-Zélande, les femmes pourront voter dès 1893 et en 1933 y est élu la première femme députée.
Outre, ce retard “de démocratie” dans le droit de vote des femmes, que dire de celui des 110 millions d’individus de l’Empire français considérés, comme sous l’ancien Régime pourtant aboli, comme de simples sujets et non comme des citoyens, résidants pourtant au sein de la nation se voulant être la patrie des droits de l’homme et du citoyen. Si la France considérait bel et bien leurs territoires comme étant français, ses habitants eux n’avaient semble-t-il pas ce même privilège. Pour rappel, l’empire français au 19e siècle s’étendait sur près de 13 millions de km², soit une trentaine de pays actuels pour une population comprise entre 100 et 150 millions d’habitants.
Ce distinguo est très bien analysé par David Roudaut, dans sa thèse en 2013 relative aux députés des départements d’Algérie sous la 4e République. On y apprend notamment que bien que majoritaire sur leur territoire (9 millions d’habitants), les algériens ne pouvaient avoir un nombre de députés supérieur aux français installés en Algérie (1 million) et que l’administration française truquait les élections afin d’avoir des députés musulmans plutôt en faveur de la France (cf. Les députés des départements d’Algérie sous la IVe République – DUMAS – Dépôt Universitaire de Mémoires Après Soutenance (cnrs.fr) ). Les propos de J.MOCH, ancien ministre de Léon Blum, des années après, illustrant bien la pensée française, lequel se disait “hostile à donner les mêmes droits aux chefs nègres et aux représentants français”. (cf. AGERON, la décolonisation française, p.71)
Ainsi, le discours soit disant démocratique d’un homme-une voix s’avère au vu de l’histoire française plus que tendancieuse.
L’association s’étonne également d’entendre des discours de la part des loyalistes et de métropolitains installés en Nouvelle-Calédonie visant à justifier leurs droit de vote par le fait qu’il paient des impôts alors même que ceux-ci manifestaient encore il y a peu dans la rue afin de ne pas payer la réforme fiscale visant à rétablir les comptes sociaux de la CAFAT pour le RUAMM.
En vous souhaitant une bonne lecture et en vous rappelant que le fédéralisme s’avère être la seule solution.
L’association APROFED