sans la France

Certains calédoniens ont déclaré avoir voté lors des scrutins d’auto-détermination contre l’indépendance et donc pour un maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France mais cela par défaut. Leurs peurs de l’avenir économique du territoire, attisés par certains politiciens non indépendantistes1 comparant les pays océaniens indépendants de la région à certains pays pauvres d’Afrique, ayant pesées dans la balance. Il convient toutefois de rappeler au passage que si un bon nombre d’Etats indépendants aujourd’hui rencontre des difficultés c’est parce qu’ils ont été colonisés hier et bien que dorénavant souverains, les anciennes puissances colonisatrices continuent encore de conserver une main mise pour des raisons économiques liées aux matières premières et géopolitiques incitant ainsi certaines puissances à appeler à un nouvel ordre mondial2.

Or, il existe dans le Pacifique 2 puissances alternatives qui pourraient constituer une solution de remplacement que n’ont pas développé les indépendantistes et qui auraient pu amener certains votants à éviter de s’abstenir ou de faire le choix précédemment cité. Ces 2 puissances étant : l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Avec un PIB par habitant proche de celui de la France pour la Nouvelle-Zélande voir supérieur pour l’Australie3, selon la banque mondiale en 2022, un indice de démocratie au dessus de celui de la France4, la Nouvelle-Zélande ayant la 2e place derrière la Norvège en 2023, un indice de développement humain (IDH) également supérieur pour les 2 pays par rapport à la France, avec la 5e place du classement pour l’Australie et la 13e place pour la Nouvelle-Zélande pour la 28e place pour la France en 20215 et avec un classement des 2 pays au dessus de la France pour ce qui est des pays où l’on vit le plus heureux6, l’Australie et la Nouvelle-Zélande possède donc des atouts non négligeables.

Il est dès lors étonnant que les indépendantistes locaux n’aient pas développé cette solution dans la mesure où l’Australie notamment en 2022 désignait au sein de son gouvernement la nomination d’un “ministre délégué pour la république”7 en vue de la création d’une république à l’instar de ce que souhaite créér les kanaks pour la Nouvelle-Calédonie. Ce loupé est d’autant plus surprenant que les relations entre l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la France n’ont jamais été au beau fixe8 tant par le passé dû à la période des “évènements” et à la problématique nucléaire qu’aujourd’hui selon Eric Descheemaeker, professeur à l’université de Melbourne, qui rappelle que l’Australie n’a jamais perçu la France comme un allié ni comme un ami9, cette dernière se retrouvant seul à défendre ses intérêts dans le pacifique. La Nouvelle-Calédonie demeurant encore le seul territoire non autonome parmi ses voisins proches, tous, d’origine anglo-saxonne.

L’Australie et la Nouvelle-Zélande jouant par ailleurs déjà leurs rôles de grandes puissances dans la région, la première vis-à-vis de la Mélanésie et la seconde vis-à-vis de la Polynésie. La Micronésie étant en partie gérée par les Etats-Unis, alliés privilégiés des australiens, via l’AUKUS10 ou bien encore les Fives Eyes.

C’est pourquoi, si l’idée de la création d’un Etat fédéral avec la France semble naturelle afin d’éviter un conflit localement, s’associer avec nos homologues océaniens dont l’Australie qui est déjà une fédération et la Nouvelle-Zélande, serait tout autant naturelle, d’autant plus que l’ensemble des Etats océaniens se retrouvent déjà regroupés au sein d’une instance nommée : le Forum des Iles du Pacifique (FIP)11.

L’idée churchilienne de la création des “Etats-Unis d’Océanie” à l’instar des “Etats-Unis d’Europe” émis par l’ancien premier ministre britannique, développé par Epeli Hau’ofa, essayiste écrivain anthropologue tongien qui a écrit sur la pensée océanienne et reprise par Paul Wamo dans un entretien avec Anne Bocandé12, montre que cette idée n’est pas nouvelle. Elle reste à être connue.

Il n’est pas étonnant qu’un tongien ait déjà eu cette idée dans la mesure où l’Etat de Tonga fut autrefois un puissant empire d’océanie13, s’étendant de Niue aux îles Salomon, en passant par Wallis et Futuna, les Samoa, Tuvalu, Fidji. Il aurait été contemporain de l’empire micronésien basé à Yap qui aujourd’hui est une fédération portant le nom d’Etats fédérés de Micronésie14.

Car si pour certaines puissances, l’Océanie représente des îles dans un océan, des poussières15 comparé au continent européen, pour les océaniens le territoire c’est la mer qui s’avère une fois toutes les ZEE cumulées 10 fois plus grande que l’Europe avec près de 40 millions de km² pour 4 millions de km² pour l’union européenne (sans Russie). La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française représentant à toutes deux, 6 millions de km² soit 60% de la ZEE française16.

L’Australie et la Nouvelle-Zélande disposeraient ainsi de la plus grande Zone Economique Exclusive (ZEE) au monde. Tous les PIB additionnés des pays océaniens feraient intégrer cette fédération océanienne dans le top 10 des plus grandes puissances économiques de la planète17.

Cette fédération n’étant donc possible que par l’acquisition par la Nouvelle-Calédonie de sa pleine et entière souveraineté, récupérant les compétences régaliennes de l’Etat français pour ensuite les déléguer à la fédération océanienne. Si cette option est envisageable, encore faut-il que l’Australie et la Nouvelle-Zélande soutiennent la Nouvelle-Calédonie en ce sens.

 

15 Charles de Gaulle, cité par Alain Peyrefitte, in C’était de Gaulle, Ed. Fayard, 1994, p. 59.