4 raisons pour lesquelles la France n’accordera jamais l’indépendance à la Nouvelle-Calédonie

4 raisons pour lesquelles la France n’accordera jamais l’indépendance à la Nouvelle-Calédonie
24 février 2024

4 raisons pour lesquelles la France n’accordera jamais l’indépendance à la Nouvelle-Calédonie

Si les Comores et Djibouti sont autonomes c’est parce qu’il n’y a que du manioc et des bananes. La Nouvelle-Calédonie […] c’est un bloc de Nickel. Eugène Claudius-Petit, vice-pdt de l’Assemblée nationale, 26 juillet 1971.

La raison n°1 pour laquelle la France ne donnera jamais l’indépendance à la Nouvelle-Calédonie, c’est son Nickel, nommé “or vert”.

Il convient de rappeler que le but premier de la colonisation étant l’acquisition de matières premières notamment pour une Europe au XIXe siècle en pleine révolution industrielle. La mission civilisatrice étant un pur prétexte.

Or, la Nouvelle-Calédonie possède environ 25% des ressources mondiales de Nickel, découvert en 1864 par Jules Garnier qui lui valut de donner son nom au minerai néo-calédonien : la garniérite.

Pour rappel, le nickel est un élément essentiel de l’industrie de l’acier. Particulièrement apprécié pour sa ductibilité, sa malléabilité ainsi que pour sa résistance à l’oxydation, le nickel est connu pour son utilisation dans les aciers inoxydables.

Le Nickel est également essentiel à la fabrication des batteries des voitures électriques et hybrides, avec le lithium, le cobalt ou le manganèse. Sans ce composant, la réussite de la transition écologique et donc la lutte contre le réchauffement climatique serait compromise1.

La raison n°2 est que la France estime le dossier de la décolonisation comme clos depuis plus de 40 ans avec la dernière indépendance du Vanuatu (Nouvelles-Hébrides) en 1980.

L’accès à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie réouvrirait une période d’incertitude pour la France constituée encore à ce jour de nombreux territoires issus de son ancien empire colonial.

En 1961, lorsque l’ONU créa le comité de décolonisation, la position française à l’égard du comité fut une opposition radicale2.

En 1986, la Nouvelle-Calédonie était qualifiée de verrou par le ministre de l’Outre-mer, Bernard Pons, celui-ci ajoutant qu’il convenait de se battre à l’ONU pour la conserver car c’était le verrou de l’Outre-Mer, signifiant par là que si la Nouvelle-Calédonie devenait indépendante, les autres territoires d’Outre-Mer non seulement dans le Pacifique mais aussi dans l’océan indien voir dans les caraïbes pourraient suivre, voir même la Corse.

C’est pourquoi en 1986, la France a engagé toute sa puissance diplomatique pour éviter que la Nouvelle-Calédonie ne soit réinscrite sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU, en vain, puisque la résolution 41/41A du 2 décembre réintégrera le territoire à cette liste3.

La réinscription par la suite de la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes, reçut le même accueil par la France. A chaque fois qu’un indépendantiste polynésien prend la parole à l’ONU, le représentant de la France quitte la séance, pratiquant la politique de la chaise vide. En 2018, une mission de visite du comité spécial en Nouvelle-Calédonie indique que le Gouvernement français continue à appuyer les travaux du Comité spécial et à coopérer avec lui, prenant note également de l’appui et de l’assistance utiles qu’il lui a fourni mais réitérant l’appel que l’Assemblée générale [des Nations Unies] a lancé au Gouvernement français, lui demandant de coopérer pleinement aux travaux du Comité spécial et de participer officiellement à ses prochaines sessions4.

Depuis les années 1990, l’ONU accroît la pression sur les puissances administrantes comme la France détenant encore des territoires à décoloniser, allant jusqu’à proclamer la période allant de 1990 à 2020 comme étant celle de l’élimination du colonialisme.

Le FLNKS conformément à sa politique de recherche de soutien international est quasi systématiquement présent aux différents rendez-vous du Comité et pétitionnaire chaque année devant l’Assemblée générale des Nations Unies. Les non indépendantistes percevant l’action du Comité comme une arme entre les mains du FLNKS pour forcer l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie.

Par ailleurs, bien que la France ait accepté le fait que le peuple premier puisse se prononcer sur son auto-détermination par le vote, elle a fait en sorte que les kanaks ne soient pas les seuls à pouvoir voter5 et les a mis en minorité en terme démographique6 par des vagues successives de population provenant de France métropolitaine7 ou d’autres territoires également colonisés de l’Outre-Mer français, pour ainsi qu’ils ne puissent jamais obtenir de majorité quelconque.

A l’instar d’autres pays comme l’Angleterre avec les indo-fidjiens (asiatiques) à Fidji, ou les anglais en Irlande ainsi qu’en Ecosse, ou l’Espagne en catalogne et au pays basque8.

Le boycott par les indépendantistes du 3e et dernier referendum en 2021 sur la question pour ou contre l’accès à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, additionné aux abstentionnistes a permis l’obtention de plus de 56%9 de personnes ne s’exprimant pas pour un maintien au sein de la France, soit la majorité de la population néo-calédonienne.

Sans compter que la France était prêtre à tout afin que les 3 referendums pour ou contre l’indépendance n’aboutissent jamais à l’indépendance quitte à reprendre de veilles habitudes, à savoir truquer les élections comme ce fut le cas dans d’autres territoires d’Outre-mer par le passé tels qu’à la Réunion10 ou dans d’anciennes colonies africaines. En effet, il apparait que les partis non indépendantistes, majoritaires dans les mairies du Sud et de la côte Ouest de la Nouvelle-Calédonie, là où se concentre l’immigration métropolitaine dans le pays, ont organisé, avec la complicité active de l’Etat, année après année, des inscriptions irrégulières de citoyens français, non citoyens de la Nouvelle-Calédonie. Il s’agit bien de manœuvres frauduleuses visant à contrevenir à la sincérité du corps électoral11. Ainsi, ce serait près de 5638 personnes, soit 5.6% du corps électoral qui aurait été inscrits sur les listes électorales de manière frauduleuse. Quand l’on sait que le 2e referendum d’auto-détermination tenu en 2020 s’est joué à – de 5%, avec un taux de 46.7% de personnes en faveur de l’indépendance, on peut comprendre le commentaire du président du congrès calédonien relatif à ce vote, à savoir de “bidon”. Cette situation a d’ailleurs valu à l’ONU de demander l’établissement de listes électorales justes, régulières et transparentes afin d’obtenir la réalisation d’un acte libre et authentique d’autodétermination conforme aux principes et pratiques de l’ONU. Il n’est pas étonnant que certains calédoniens sachant cela, aient décidé de s’abstenir12 afin de ne pas participer à cette mascarade électorale. Si des fraudes électorales sont récurrentes en France métropolitaine visant à faire voter des faux électeurs13 ou bien encore des morts14, il est désolant de constater ici que la peur des gouvernants français à voir devenir indépendante la Nouvelle-Calédonie l’amène à de telles pratiques qui nous amène à nous demander quelle différence y a-t-il donc entre la France et la Fédération de Russie? Car si l’une ne se cache pas pour bourrer les urnes, l’autre s’avère plus subtile en agissant dans le feutré en bidouillant pour sa part les listes électorales.

Néanmoins, il n’est pas sûr également que l’Etat aurait validé le résultat d’un vote positif en faveur de l’indépendance qui serait advenu lors d’un des 3 référendums. Il convient de rappeler ici le cas du traité de Lisbonne de 2007 relatif à la constitution européenne qui bien qu’ayant été rejeté par référendum par le peuple français à quand même était ratifié par voie parlementaire trahissant la volonté du “peuple souverain”, qualifiant cet acte pour certains de “forfaiture” voir de “coup d’Etat”15. Le cas des îles Féroé en est un autre exemple16. Colonisé par le Danemark, le gouvernement féroïen présente au gouvernement danois en mars 2000 un projet d’indépendance totale. Refroidi, après des pressions et menaces, les dirigeants des îles Féroé décident tout de même en 2004 l’organisation d’un référendum à ce sujet. Les partisans de l’indépendance l’emportent avec un score de 50.72% des voix, pour une participation de 91.1%. Le gouvernement féroïen annonce dès lors l’indépendance prochaine des îles Féroé, détenant jusqu’ici le statut de pays constitutif17. Le gouvernement danois refuse et le statut quo est maintenu. Un nouveau référendum sur l’indépendance, accepté par le gouvernement danois était prévu en 2018. Celui-ci a été repoussé sine die.

La raison n°3 est que la France estime la Nouvelle-Calédonie comme étant sa possession. Comme toute colonie, elle représente certes de potentielles sources de richesses via notamment ses matières premières mais également une forte image de soi et de puissance pour la France.

Et la France le rappelle de manière régulière notamment aux autres nations limitrophes à la Nouvelle-Calédonie qui sont toutes aujourd’hui anglo-saxonnes et ont toutes étéd’anciennes colonies britanniques.

Il n’est pas nécessaire de rappeler ici la relation plus que conflictuelle entre l’Angleterre et la France outre sur le continent européen mais aussi lors de la colonisation et des conquêtes des territoires, notamment dans le pacifique avec le raté de l’établissement de la France en Nouvelle-Zélande18 ou bien encore en Australie19.

S’il est répéter de manière récurrente à la population calédonienne que si elle venait à devenir indépendante elle risquerait une possible nouvelle colonisation de la part de la Chine20, c’est en réalité plus de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et du groupe du “fer de lance”21 que la France se méfie, se rappelant ainsi au travers du lancement de sa doctrine d’axe “indopacifique” destinée à contenir la chine, en réalité sa présence dans le Pacifique notamment en Nouvelle-Calédonie à tous les Etats limitrophes de celle-ci, leur rappelant que la Nouvelle-Calédonie demeure encore à ce jour une possession française.

La raison n°4 et dernière raison pour laquelle la France ne permettra jamais l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie est qu’elle ne croit pas réellement en l’Union Européenne22 et que si cette dernière venait à disparaître, la France conserverait ses attributs d’antan, à savoir ses dernières colonies, au travers de ses territoires d’Outre-Mer.

Grâce à ses territoires ultra-marins, la France est présente dans quatre des cinq océans de notre planète, ce qui en fait par exemple le 2e domaine maritime mondial.

Ainsi, si la Nouvelle-Calédonie devenait indépendante entraînant dans son sillage, l’ensemble des derniers confettis de l’empire français, la France se limiterait à ces seules frontières métropolitaines avec cette fois-ci une obligation de résultat afin de faire vivre, pour ne pas dire faire survivre une Union européenne, dont les institutions sont régulièrement attaquées, face à une planète mondialisée où la France seule ne pourrait s’en sortir. L’abandon des dernières colonies européennes est jugée pour certains comme la meilleure chose pourtant pouvant arriver à l’Europe qui lui permettrait de se recentrer sur elle-même et d’avancer23.

Il convient ici de rappeler que l’Union Européenne se divise en 2 grands ensembles : le territoire continental situé en Europe et, en raison de son passé colonial, des territoires extra-européens répartis sur l’ensemble du globe nommés Régions Ultrapériphériques (RUP), auxquels s’ajoutent certains territoires spéciaux des Etats membres disposant d’un statut dérogatoire qui les exclut de l’Union Européenne que l’on nomme : les pays et territoires d’Outre-Mer, dont font partie les 3 territoires français du Pacifique que sont la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie Française et Wallis et Futuna.

10 BLANCHARD Pascal, KORN-BRZOZA David, 2020, Décolonisations, du sang et des larmes, la rupture 1954-2017documentaire, 80min.

12 L’abstention s’étant situé entre 15 et 20% pour les 2 premiers référendums.